On avait toujours dit à nos amis que nous nous sentions davantage français quand nous vivions à l’étranger. Nos années à Taiwan nous ont permis de prendre beaucoup de recul sur notre système, qu’il soit politique, économique ou culturel. A Taiwan, nous nous sentions fier d’une nation cultivée et ouverte sur le monde, critique mais qui remettait en cause pour obtenir le meilleur. Nous étions aussi convaincus que l’État protégeait du mieux qu’il pouvait les plus pauvres et les plus fragiles. Notre système est faillible et bancal, on ne rentrera dans aucune polémique de parti. La pleine satisfaction n’existera jamais (si ce n’est dans les pires régimes dictatoriaux #Kim&FidelBFF). On ne va pas parler des manifestations qui ont lieu ces derniers jours, ni des réformes qu’on pourrait discuter des heures et des heures prises par les gouvernements successifs de ces trente dernières années. Partir à l’étranger nous a fait toutefois considérer notre chance d’être – si nous pouvons l’appeler ainsi – « bien né » : nous ne subissions ni famine, ni guerre; notre système de santé se veut protecteur et notre liberté d’expression développée.
Se sentir « Français de l’étranger »
Avons-nous une identité particulière quand nous sommes à l’étranger. Restons-nous Français ou entrons-nous dans la communauté des Français de l’étranger ? Nous avions rarement questionné notre processus identitaire au cours de nos expériences à l’étranger. Nous n’avions pas ressenti le besoin car la communauté française rencontrée ne nous avait pas plus interloquée que ça. Il faut dire que cette même communauté était très mince à Taïwan. Peut-être a-t-elle grossi ces dernières années…
Faisons de suite le distinguo entre les Français en Australie dans un but d’intégration (culturelle, économique, familial) et une grande majorité de jeunes venant en Australie sous le statut du PVT (Permis Vacances-Travail). Faisons aussi la différence entre ceux en PVT dans le but de vivre une expérience enrichissante et ceux qui viennent par … ben on ne sait pas pourquoi en fait!
Depuis notre arrivée, nous sommes malheureusement plutôt consternés par le niveau de nos représentants français sur le sol australien. Vols, drogues, irrespect, manque d’intérêt pour le pays-hôte, il y aurait donc un sentiment d’impunité universel lorsque nous dépassons nos frontières.
Absence de limite ou stigmatisation ?
Souvenons-nous de la lettre rédigée par le Consul, Eric Berti qui en 2013 avertissait déjà :
« N’hésitez pas à sensibiliser les jeunes Français autour de vous au comportement qui est attendu d’eux, dans un pays où l’honnêteté et le respect des valeurs et des autorités sont d’une importance primordiale. »
Car oui, en Australie, on prône l’honnêteté et la valeur de respect. Ça peut être paraître un peu bêta sur le coup, un peu « bisounours » mais pourquoi pas! La missive du haut-fonctionnaire visait en particulier la pratique adoptée par beaucoup, celle du « French shopping » qui consiste à voler dans les supermarchés. Bien entendu, les Français ont peut être développé cette nouvelle compétence mais elle est, depuis, adoptée par différentes nationalités. Un sentiment de suspicion s’est même installé petit à petit sur la communauté française, les vigiles des supermarchés allant même jusqu’à suivre les personnes à l’accent franchouillard.
« Comportement provocateur et bruyant, alcoolisme, manque de respect pour la police et les autorités […] Si elles restent minoritaires, ces attitudes peuvent avoir des répercussions sur l’ensemble de la communauté française en Australie, et pénaliser fortement les jeunes gens titulaires de visas vacances travail dans leur recherche d’un emploi. »
Car il est de notoriété publique qu’un Français adepte du visa vacances-travail sera moins fiable, moins honnête voire moins respectueux qu’un autre. Les employeurs sont de plus en plus réticents à employer ces jeunes à la quête d’un idéal (ou du moins de LEUR idéal). Il faut donc ramer pour obtenir un boulot car : « untel a eu un français un jour, ben bonjour l’image!«
Comment se fait-il qu’un Français PVTiste sera plus attiré par le vol dans un supermarché alors qu’il n’aurait jamais eu l’idée dans un supermarché français? Comment se fait-il que le problème se pose principalement en Australie et moins dans certains pays ? Voici les pistes que nous avons en tête:
- La différence entre les rêves et la réalité : les Français arrivant ici sans le sou (pourtant l’Etat exige un minimum de 5000 AUD pour arriver) et qui pensent trouver un emploi en quelques jours. Malheureusement la situation n’est plus la même qu’au début du programme PVT. A titre d’information, 22 000 Français arrivent annuellement en Australie dans le cadre du PVT, c’est quasiment autant de taïwanais, coréens, et un peu moins que les Allemands (25 000) et loin derrière les anglais (40 000). La concurrence est rude! Travailler n’a jamais été aussi compliqué, les travaux dans les fermes sont concurrencés par une main d’œuvre efficace et peu chère (malaisienne, indonésienne et chinoise). Le jeune Français (souvent très très jeune!) part avec une vie rêvée, une « Into The Wild » version 3.0 mi-Anges de la Télé-réalité, mi-Ile des Vérités. Ses ressources vont baisser considérablement et rapidement. Une solution simple : le vol, gruger le tramway, manger des nouilles chinoises. Bizarrement, les bars ne désemplissent pas !
- Le sentiment d’impunité : allez, on va mettre ça sur l’excuse de la jeunesse qui se sent voler des ailes! Il est vrai qu’il n’y a peu de portiques, que les caméras n’étaient pas encore très présentes partout (et oui, en exemple d’honnêteté, on fait confiance à sa population!) et que les anciens PVT racontaient aux nouveaux à quel point il était facile de dérober. Une transmission transgressive que chacun appréciera! D’ailleurs c’est l’excuse que nous ont sorti nos anciens colocataires qui nous ont fait débarquer la police à la maison lors de notre première semaine de colocation. Ils avaient été pris la main dans le sac à scanner un article sur deux au Woolies. « Mais vous savez, on nous a dit que c’était si facile de voler ici« . Bingo ! Interdit d’accéder à nouveau au Woolies et un rappel à l’ordre de la part des policiers. Rien de mieux pour commencer son séjour – et sa cohabitation avec un autre couple – sur des bonnes bases.
- Le plaisir de transgresser : en bons Français que nous sommes, nous aimons passer outre une interdiction. Nous aimons trouver la faille d’un système et s’y engouffrer. Que dire de gruger les frais d’entrées à un parc national quand ils existent ou de camper sans autorisation sur un site protégé ? Que dire de traverser quand il n’y a pas de voitures (pourtant sanctionnée!), d’utiliser son portable à vélo, ou de jeter sa cigarette dans la rue ? Notre esprit français de révolte et de contradiction a souvent ses limites et de nombreux français se retrouvent obligés d’écrire un post sur les groupes Facebook pour expliquer le fruit de son amende (fruit-amende-amande, on m’a compris!). Et quand bien même nous continuons de traverser si il n’y a pas de voitures alors que tous les autres attendront patiemment.
Venir en Australie et pour faire quoi ?
Quels projets ont ces nouveaux arrivants ? Pour beaucoup c’est de commencer dans une ville afin de faire quelques économies avant d’acheter un van et vivre une aventure humaine et remonter les routes australiennes. D’autres essaieront de se mettre dans l’apprentissage de l’anglais pour parler la langue de Shakespeare comme personne. Et étonnamment pour certains, aucun projet en vue. Ils se contenteront de travailler et rester à la maison. Pas ou peu d’intérêt pour Melbourne ou l’Australie en général, peu d’intérêt pour quoique ce soit d’ailleurs. Pas de sortie, pas de visites, pas de loisirs, juste regarder un ordinateur constamment allumé sur les séries Netflix et dormir. Nous en avons fait l’amère expérience pendant plusieurs semaines où nous nous trouvions face à un mur.
Venir en Australie pour vivre en communauté, c’est aussi une problématique très intéressante. Certains ne considéreront leurs relations sociales qu’entre Français. Loin d’être une critique, nous avons nous-mêmes besoin de retrouver les compatriotes mais il a été très difficile de tisser des liens avec des personnes françaises… Nous désirons avant tout partager des choses (et pas que de picoler!) et nous avons tenté quelques rapprochements ciblés. Nous sommes ravis des rencontres que nous avons faites jusqu’à maintenant. Des personnes venant de différents univers, aux métiers variés. Quelque chose qui peut nous faire grandir et qui est porteur d’espoir. Il n’ y a pas que ceux que nous déplorons chaque jour ! Faire des nouvelles connaissances n’est pas toujours chose aisée, c’est parfois même un long exercice d’entretien, de rafraîchissement, de pirouettes pour arriver à entretenir son réseau.
Certains enfin y trouveront leur compte en Australie. Le visa PVT peut être prolongé d’une année sous la seule condition d’effectuer 88 jours de travaux manuels dans des secteurs qui subissent un manque de main d’œuvre dans les fermes principalement. Ces personnes profiteront d’une deuxième année pour vivre le rêve australien et de partir pour une autre destination PVT. Combien d’exemples de primo-PVTiste australien sont partis ensuite vers la Nouvelle-Zélande ou le Canada ? Au contraire, certains trouveront la perle rare et se feront sponsorisés (c’est–à-dire que l’entreprise leur paiera les frais de visa, ce dernier durera jusqu’à quatre ans) et d’autres trouveront l’amour en Australie (visa de facto voire partnership).
Nous avons même rencontrés des Français qui sont arrivés là il y a quelques années et qui ont adopté la citoyenneté australienne. Et devant un tel exemple, nous sommes assez admiratifs. C’est un don de soi exceptionnel que celui d’adopter la binationalité. D’autant plus quand on sait que ces personnes ne sont pas australiennes de naissance et n’ont eu aucun rapport avec le pays avant leur arrivée! Ces personnes nous ont partagé une anecdote très intéressante et symbolique : ils voyagent uniquement avec leurs passeports australiens car ne veulent pas renouveler leur passeport périmé et se font prendre de haut par les douaniers au moment de leur retour en terres françaises. Comme si nous abandonnions une partie de nous et que le fonctionnaire derrière son comptoir vitré était piqué à vif de cet affront!
Hmm… c’est un peu fou la différence de comportement VS les USA ! Ici les français se tiennent super à carreaux.
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